S'éteindre par peur de mourir alors même que l'on possède la vie

Elle se doute de combien la mort ne me fait pas peur.

Elle sait que je crains bien plus la vie ou plutôt ce que j’ai cru être ma vie.

Elle, elle sait de quelle vie je parle.

Vous savez, cette drôlesse d’existence qui a mon sens n’est pas la vie mais plutôt une vie avec trop peu de vie et trop peu de sens.

Un semblant de vie ou je m’efforce de survivre sans trop réfléchir à qui je suis, me levant chaque matin et empruntant depuis mon lit le même chemin, mettant pied dans chacun des pas que j’ai déposé le jour avant et encore celui d’avant depuis le départ du lit, au petit matin, jusqu’au retour dans ce dernier, à la tombée de la nuit.

Mais elle, elle sait !

Elle sait que je ne crains pas la mort mais que je vis dans la frayeur de m’éteindre à force de remette trop souvent pieds dans ces pas figés par un passé dépassé par toutes ces journées répétées. Ces journées que j’ai cru être ma vie et que j’ai d’ailleurs appelé ainsi parce que c’est ce que c’est ainsi que la société me l’a appris.

Et vous savez, la société ne sait pas ce qu’elle sait. Celle qui sait tous cela, c’est la vie elle-même.

Celle-là même qui implicitement me fait savoir qu’elle n’est pas ce que l’on m’a fait croire, qu’elle n’est pas contenue dans ce que je cherche à faire et à avoir mais dans ce que je suis lorsque je deviens l’expression de ce qu’elle attend de moi.

Et c’est à coup de coup de gueule, à coup de larmes et de souffrances et trop rarement de joies Éphémères que cette vie vient sonner le glas pour me réveiller et me faire savoir qu’elle est déjà en moi et que je suis son digne représentant.

Bienveillante, elle veut me rappeler qu’il me faut cesser de suivre les pas de ceux et celles qui dans l’ignorance de ce qu’ils sont en vérité, cherchent à rattraper l’existence qu’on leur à prêter sur gage et qu’ils ont acceptés au jour où ils sont nés, sans jamais la renégocié et ce, jusqu’à perpétuité.

Moi aussi je me suis laissé tromper par l’illusion d’une vie qu’il faudrait poursuivre et posséder jusqu’à s’oublier, jusqu’à oublier de vivre, jusqu’à s’enfermer dans la même journée, dans la même pensée, ignorant de tout, ignorant de soi, jusqu’au dernier jour, jusqu’à la dernière nuit, quand le rideau est tombé.

Aujourd’hui, je ralentis pour la ressentir en moi cette énergie, me laissant guider par son flux vers un inconnu qui me rend vivant avant même que j’y soit rendu. Vivant parce que l’inconnu est indissociable du changement et que le changement est le carburant de cet aimant qu’est la vie.

Aujourd’hui, je peux ressentir que je n’ai pas une vie et qu’il ne sert à rien de courir et de faire pour avoir au risque de ne jamais savoir que je suis la vie.

Aujourd’hui, j’affirme haut et fort qu’il ne faut pas craindre la mort puisqu’elle est le continuum de ce que nous sommes mais qu’il faut craindre de la tarir et de s’éteindre par peur de mourir alors même que l’on possède la vie !

 

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